On admet, aisément, qu'un poète, qu'un poème, nous invite à percevoir le monde, le monde extérieur, celui de nos sentiments, de notre regard, autrement, mais cette idée ne s'étend pas au roman qui, pourtant, lorsqu'il est digne de ce nom, a le même dessein.
Nous ne sommes plus des enfants, et n'avons nul besoin qu'un étranger, se substitue à notre mère, que nous avons aimée, pour nous raconter des histoires lorsque nous sommes couchés...nous ne sommes plus, tendus, excités, dans l'attente de l'épilogue, qui, alors, avait toujours tendance à être reporté à un lendemain hypothétique...
Seuls, la nuit, encore, il est vrai...mais nous sommes tendus vers autre chose, si peu que nous soyons lecteurs...
Peu importe l'histoire, en réalité, lorsqu'il s'agit d'un vrai roman, c'est-à-dire, d'un livre qui va, par son écriture, par le regard singulier qu'il développe, déranger notre réalité et nous convier à percevoir un fragment du réel jusqu'alors, de nous, inconnu.
Déranger cette réalité pour nous permettre de la recomposer, plus belle, plus lucide, plus exigeante,plus affutée...
Le roman, on ne le dit pas assez, est aussi un instrument scientifique, un instrument de connaissance... humain...et qu'importe si ce terme "d'instrument" semble le dévaloriser aux yeux des naïfs lecteurs s'empressant de l'idéaliser, de le magnifier, pour mieux oublier sa portée.
Un téléscope fait main,avec amour, avec finesse, pour découvrir notre infini..un téléscope, que, curieusement, nous avons le privilège, insigne, de régler à la mesure de nos désirs d'exister vraiment...
Un téléscope, que dis-je?... Un Stradivarius!...
Marcel Proust d'une main, Milan Kundera de l'autre...et Céline de la troisième.
.Le monde nous est offert...à nous de le désirer, sans limites et sans temps morts...